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jeudi 28 mai 2015

Flotte petit drapeau...


Le transfert au Panthéon, le 27 mai 2015, des cendres de Jean Zay , en même temps que de trois autres héros républicains, suscite aujourd’hui l’indignation de « patriotes » qui n’hésitent pas à rejouer la partition des fascistes français des années trente.


Une belle brochette d’associations patriotiques qui se défendent de « faire de la politique » font circuler une pétition pour s’opposer au transfert au panthéon des restes de l’ancien ministre de l’éducation nationale assassiné par la Milice en 1944. Ils ressortent à cette occasion un argument avancé par le concurrent direct de Jean Zay à une élection législative en 1932 : non seulement « ce ministre du Front populaire n’a été qu’une victime parmi d’autres » — « un point de détail », en somme !—, mais à l’âge de 19 ans, dans le secret de sa chambre, il a commis un poème pacifiste insultant le drapeau tricolore à l’ombre duquel tant d’hommes sont tombés pour des enjeux qui les dépassaient quand il n’a pas couvert de cruelles expéditions coloniales voire des répressions criminelles comme celle des Communards.
L’extrême-droite actuelle n’a pas manqué de saluer cette pétition. On peut lire sur le site de « Polemia »: « Jean Zay n’est ni un saint, ni un héros, juste une victime. Il n’est pas mort les armes à la main. Et comme ministre du Front populaire, il a participé au désarmement de la France, antichambre de la défaite de 1940. Ministre de l’Education nationale en 1937, il a aussi posé les fondements de la réforme de l’école dont nous subissons aujourd’hui encore les effets délétères. »
Comme l’écrit dans l’Opinion J.D. Merchet, spécialiste reconnu des affaires militaires,  « cette affaire est consternante. On peut, et même, on doit débattre des mérites de l'ancien ministre de l'Education nationale du Front populaire. On peut parfaitement estimer qu'il n'a pas sa place au Panthéon, sans être voué aux gémonies. Mais avant de prendre position, il faut travailler un peu et ne pas se contenter de réagir par simple réflexe passionnel ».

Une erreur de jeunesse?

Abreuvé pendant son enfance de littérature cocardière et de glorification quasi religieuse d’un drapeau dont l’extrême droite s’était déjà approprié, il avait écrit, dans le cadre d’un exercice littéraire entre étudiants, en réaction aux textes cocardiers dont on leur rebattait les oreilles, le poème qui suit où il exprimait avant tout son horreur de la guerre dont on venait de sortir.




Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
Quinze cent mille dans mon pays,
Quinze millions dans tout les pays.
Quinze cent mille morts, mon Dieu !
Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
           
Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,
Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…
Qu’est ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
           
Quinze cent mille morts, mon Dieu !
Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,
Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
           
Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
Sans planches et sans prières…
Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux
De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?
Ils ne sont plus que des pourritures…
Pour cette immonde petite guenille !
Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes
           
Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis
Je te hais au nom des squelettes…
Ils étaient Quinze cent mille
Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
Je te hais a cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,
Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,
           
Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.
Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,
Le blanc livide de tes remords.
Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
           
Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
           
Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
           
Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.

Une campagne antisémite ?

Le précédent secrétaire aux anciens combattant ne s’y est pas trompé, qui déclarait en mars 2014:
Vous fondez votre position sur un poème écrit par Jean Zay en 1924. Ce texte écrit dans sa jeunesse, à l'âge de 19 ans, n'était pas destiné à la publication. Il émerge en 1932, lors d'une campagne électorale et il est communiqué à la presse locale d'extrême-droite qui en fait un argument censé prouver l'appartenance de Jean Zay à "l'anti-France". Bien que Jean Zay s'en soit alors expliqué devant la chambre des députés, il est utilisé par une extrême-droite profondément antisémite pour dresser son procès politique. Il est ainsi publié en 1934 par la presse antisémite, celle-là même qui deviendra collaborationniste après la défaite, et ressurgira à chaque étape de la carrière de Jean Zay alors même qu'en votant le budget de la défense nationale, il manifestait son refus du pacifisme, sa lucidité et sa fermeté face aux périls extérieurs auxquels la France allait devoir faire face. Dès octobre 1940, les mêmes tentèrent de faire le procès d'une personnalité pourtant si viscéralement attachée à la France. C'est en effet Vichy qui le condamne à la dégradation et à la déportation (...). A travers Jean Zay, c'est un régime politique qui était visé, la République. Pourtant, tout dans le parcours de cet homme exemplaire devrait nous convaincre de sa légitimité pour entrer au Panthéon. (...) Ainsi donc, Jean Zay aura été un grand patriote et un grand républicain. Il réunit d'ailleurs aujourd'hui les républicains de droite -ainsi François Fillon en 2004 lui rendit-il hommage- comme de gauche. Je suis certain que l'évidence des mérites de Jean Zay vous conduira à reconsidérer la position que vous avez exprimée, et que vous serez sensible à l'incompréhension qu'elle a pu susciter chez les nombreux Français qui sont attachés à cette figure patriotique".

Seules, de rares associations ont retiré leurs signatures.
On peut s’interroger sur cette résurgence de la campagne des années 30 qui pilonnait le « juif » Zay (Converti au protestantisme de sa mère et agnostique de fait, il ne l’était que par son père).
Son opposant orléanais, lors des élections législatives de 1936, déclarait à ses électeurs  : "  La lutte n'est pas entre Jean Zay et Maurice Berger, si détestable que soit le ministricule du Torchon rouge : elle est entre la France et les tenants de l'étranger révolutionnaire, entre le Drapeau tricolore et la loque sanglante, entre l'ordre et le désordre . " Quant à Léon Daudet, le 16 juillet 1939, il stigmatisait l'action du " juif Torche Zay  " dans un éditorial de L'Action française consacré au ministère de l'Éducation nationale. Pour sa part, Céline, affirmait que " sous le négrite juif Jean Zay la Sorbonne n'est plus qu'un ghetto ". Tous ressassaient le thème de la corruption de la jeunesse par ce ministre juif, comme Marcel Jouhandeau, dans Le Péril juif en 1937 : "Mais la pire calamité, non seulement imminente, actuelle ; accomplie, réalisée déjà sous nos yeux, sans que personne ait seulement crié gare, c'est celle qui regarde l'éducation des enfants et des jeunes Français : M. Jean Zay, un Juif, a entre les mains l'avenir vivant de ce pays : il peut en pétrir à sa guise, à sa mode, la matière et l'esprit. Tout dépend de sa volonté et en effet il vient de réformer l'enseignement. [...]"  Ainsi l'on ne chante pas seulement l'Internationale dans les rues ; à l'oreille de l'enfant, à l'oreille du jeune homme, dans nos écoles, on fredonne d'autres paroles moins grossières sans doute, mais qui, pour être plus subtiles, n'en ont pas moins le même sens et les mêmes visées et peu à peu, quand on l'aura bercé de cette chanson, quand il aura oublié qu'il est Français, l'héritier d'un grand peuple et d'un merveilleux passé, devenu homme, il se réveillera l'esclave du Juif. " (cités par Olivier Loubes dans l’Histoire mensuel, de mai 2006) 
Consulter aussi http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_2001_num_71_1_1380
On sait le rôle néfaste joué dans les années 30 par certaines associations d’anciens combattants qui ont viré dans le fascisme puis dans le vichysme et la collaboration. On peut souhaiter que les signataires de l’appel contre la « panthéonisation » de Jean Zay n’aient pas suivi un chemin identique et qu’avec Roger Karoutchi, conseil régional UMP d’Ile-de-France et ancien ministre, il finissent par « lui reconnaître son rôle de grand républicain » mais aussi par approuver « un signe fort par rapport à la façon dont il a été tué ».
J’ajouterai qu’il conviendrait que les amis de ceux qui l’ont assassiné ne le tuent pas une seconde fois.

jeudi 12 février 2015

ECOLE


L'école en panne d'autorité


Quand notre société tousse, l'école éternue.


Les récents incidents ayant mis en cause de jeunes enfants se refusant à honorer les morts des dernières tueries de Charlie et du Super Cacher ont remis en lumière une des faiblesses de notre école : le déficit d'autorité. Rien ne va plus dans notre bonne république à cause de l'incorrection et de l'indiscipline des élèves dues à la démission supposée des professeurs, incapables de se faire respecter.

Dans son édito de Marianne du 30 janvier 2015, Jacques Julliard applaudit « au retour de l'autorité à l'école », dans le discours ministériel tout au moins, comme si cela se décrétait depuis les bureaux de la rue de Grenelle. Une autorité qui selon lui n'a rien à voir avec l'autoritarisme mais découle de la supériorité de celui qui sait sur celui qui ne sait pas. « la seule autorité que nous reconnaissons est celle du savoir et de la raison. » Un savoir qu'il conçoit comme « élaboré selon les règles de l'esprit scientifique ».

Tout cela est bel et bon mais si un professeur de mathématiques peut faire autorité dans sa matière, en quoi cela lui donne-t-il une supériorité dans une discussion d'ordre général ? En quoi un diplôme de l'enseignement supérieur en latin-grec donne-t-elle autorité à un enseignant pour discuter du sexe des anges ou de la longueur de la barbe de Mahomet ?

L'autorité ne se décrète pas. Certains enseignants ont la chance de pouvoir compter sur une autorité « naturelle ». D'autres savent établir leur autorité par un savant mélange de fermeté, de compréhension et de respect de l'élève… Mais en fait l'essentiel vient des enfants et du monde dans lequel ils vivent.

Dans l'école d'autrefois, comme dans la société, le respect de l'autorité allait de soi. Certains rebelles passaient outre mais ils étaient minoritaires et contaminaient rarement le troupeau. Des anciens aiment raconter que lorsqu'ils se plaignaient d'avoir reçu une gifle à l'école, ils en recevaient une autre en complément à la maison.

Nous n'en sommes plus là. Nous avons connu mai 1968. Pour le meilleur et pour le pire. Sous prétexte de respect de l'enfant, le laxisme s'est installé dans bien des familles avec le culte de l'enfant-roi. Et comme beaucoup de parents étaient aussi « savants » que les maîtres, ils ont voulu mettre leur grain de sel dans l'enseignement reçu à l'école par leurs enfants. Et le statut moral des enseignants s'en est trouvé diminué. En outre, le consensus social qui avait affermi la 3ème république a depuis longtemps volé en éclat. Et comme l'école s'est ouverte au monde, elle a importé bien des conflits extérieurs.

Par ailleurs, la notion de laïcité ayant été battue en brèche par une tendance au repli communautaire et l'ignorance des jeunes enseignants (Il est bien loin le temps des « séminaires laïques » qu'étaient les « écoles normales d'instituteurs »!) chaque élève prétend relever d'une autorité supérieure à celle du maître, d'autant que bien des parents dénient[1]à l'école tout rôle éducatif (l'éducation étant considérée comme relevant exclusivement de la famille)


Aussi, penser que l'autorité du maître puisse être restaurée au sein de notre système scolaire par la seule volonté d'une ministre relève, selon la formule de Jacques Julliard, « de l'incantation et de la magie ».


[1]
/ J'entendais (samedi matin 31/01) une docte intervenante dans une émission de Serge Moati sur LCP prôner, comme alternative à la ghettoïsation des établissements, l'imposition d'une plus grande mixité sociale dans les écoles. Elle oubliait l'existence de l'enseignement privé qui permet à ceux qui le souhaitent d'échapper aux promiscuités indésirables (c'est peut-être une des raisons de l'apparent accroissement des écoles juives permettant dans certains quartiers, à de jeunes juifs d'échapper aux brimades de jeunes antisémites...)