On ne le trouve pas sur Google. Il ne figure pas dans le Maîtron. Et pourtant Michel Chauvet a fortement marqué le syndicalisme enseignant de 1967 à la fin des années 90. Onze ans après sa mort, il convient de raviver son souvenir.
Le nom de MIchel Chauvet est inséparable de celui de l’ancienne « École Émancipée », la revue des syndicalistes révolutionnaires de l’Enseignement depuis 1910 jusqu’à sa captation en 2002 par une fraction trotskiste décidée à s’impliquer exclusivement dans la toute nouvelle FSU (Fédération Syndicale Unitaire) en participant par ailleurs à sa direction, en contradiction avec les règles qui avaient jusqu’alors prévalu dans la tendance syndicale dont la revue était l’émanation.
Fils d’un couple d’instituteurs qui avait donné de nombreux enfants au syndicalisme (l’un d’eux dirigea longtemps la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale, la MGEN) il vint très tôt au militantisme. D’abord militant de la SFIO (tendance pivertiste, ie de gauche) il s’en éloigna au moment de la guerre d’Algérie avec ceux, dont Édouard Depreux et Alain Savary, qui allaient fonder le PSA (Parti socialiste autonome) avant de constituer avec d’autres mouvements le PSU (Parti socialiste unifié) qui connut son apogée au moment des évènements de 1968.
Instituteur en Seine maritime depuis 1952, il milita parallèlement à la Libre Pensée et au Syndicat National des Instituteurs (SNI) au sein de la FEN (Fédération de l’Éducation Nationale, autonome, pour avoir refusé la scission de la CGT de 1947-48).
Vers 1967, il rejoignit la « tendance » des « Amis de l’École Émancipée » qui regroupait autour de la revue syndicale et pédagogique fondée en 1910 l’extrême gauche syndicale de l’époque, syndicalistes révolutionnaires, anarchistes et trotskistes réunis.
1968 lui donna l’occasion, avec l’aide constante et discrète de son épouse Danièle, de fédérer syndicalement les « enragés » des écoles normales d’instituteurs/ trices et les jeunes enseignants radicalisés. Le groupe « École Émancipée » de Seine maritime devint en quelques années le plus important de France .La direction « socialisante » de la FEN et du SNI et ses challengers proches de la CGT et du PCF durent pendant des années compter avec ce contrepouvoir remuant les empêchant de tourner en rond et d’accepter trop de compromis avec les pouvoirs en place.
Membre à nombreuse reprises du Conseil syndical du SNI et de la Commission Administrative de la FEN de son département il fut élu dans les années 70 au Bureau National du SNI et de la CA nationale de la FEN mais refusa toujours, selon la règle de sa « tendance », d’y siéger pour plus de deux mandats consécutifs. Fidèle au « refus de parvenir » auquel furent attachés ses prédécesseurs, il ne bénéficia d’aucune décharge de service en tant que permanent syndical et exerça dans une classe à plein temps du début à la fin de sa carrière.
Responsable national de la « tendance École Émancipée » à deux reprises, de 1970 à 1971 et de 1982 à 1984, il réussit à y maintenir le nécessaire équilibre entre les diverses sensibilités qui s’y affrontaient parfois, sans laisser aucune d’elles en prendre le contrôle.
Directeur de la publication de 1986 à 1996, il sut fédérer les compétences et les mobiliser pour en faire une revue journalistiquement présentable, en dépit du manque de moyens et d’un tirage plutôt confidentiel.
Lors de l’éclatement de la FEN en 1992, il ne pourra empêcher la fraction dirigée par le secteur enseignant de la LCR d’entrainer l’ÉÉ dans le sillage du « courant de pensée » « Unité & Action » et de l’aider à fonder la fédération concurrente de la FEN, la FSU, en même temps que ses militants qui refusaient de choisir entre la peste et le choléra se dispersaient dans des structures diverses.
Ayant très mal vécu cette période, il prendra du champ avec l’action syndicale et mourra avant d’assister au dernier acte : l’éclatement de cette structure à laquelle il avait consacré l’essentiel de son énergie, « l’École Émancipée », dont l’avatar actuel n’est qu’une contrefaçon et que tente bien difficilement de continuer « l’Émancipation syndicale et pédagogique »
Michel Chauvet a bien mérité du syndicalisme et il convient de ne pas l’oublier.