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samedi 16 juillet 2011

Faut-il avoir fait son service militaire en France pour être antimilitariste ?


La sortie d’Eva Joly contre le défilé du 14 juillet a suscité contre elle non seulement des réactions xénophobes mais une étonnante unanimité autour de « notre armée, qui se bat aujourd’hui sur beaucoup de terrain »(M.Aubry)

Il est de bon ton aujourd’hui, surtout le 14 juillet, de célébrer les valeurs de notre république qu’on ne s’étonne guère de voir bafouées le reste de l’année. Mais la quintessence de notre république se situe-t-elle dans notre armée ? Eva Joly a-t-elle tort de proclamer que « le temps est venu de supprimer les défilés militaires du 14 Juillet parce que ça correspond à une autre période ».

Nous ne sommes plus menacés par les armées étrangères. On nous a longtemps seriné que l’essentiel de notre protection résidait dans la dissuasion nucléaire. On a supprimé le service militaire de conscription. Notre armée actuelle est une armée de métier qui intervient essentiellement comme gendarme du monde. Le gouvernement l’engage presque toujours sans consultation du Parlement et les seuls à s’émouvoir sont les familles des soldats. Normal, la plupart des Français savent que tous les métiers comportent des risques et que l’on de donne pas de médailles à ceux qui meurent sur un chantier. On s’apitoie sur le sort des soldats tués en mission et c’est normal. C’est triste. Mais cela fait partie des risques du job. On mourait d’ailleurs beaucoup plus au combat autrefois.

Est-il vraiment scandaleux de rêver « que nous puissions remplacer ce défilé par un défilé citoyen où nous verrions les « enfants des écoles, où nous verrions les étudiants, où nous verrions aussi les seniors défiler dans le bonheur d'être ensemble, de fêter les valeurs qui nous réunissent ». Cela me fait penser aux fêtes de la Jeunesse des années d’après-guerre. C’est peut-être un peu ringard mais on pourrait creuser l’idée d’une célébration de la fête nationale qui ne soit pas guerrière. Comme celle de la « Méridienne verte » de l’an 2000, avec son « incroyable piquenique » ou comme le défilé de J.P. Goude le soir du 14 juillet 1989, pour la célébration du bicentenaire de la Révolution. Celui-là avait suivi le traditionnel défilé militaire. N’aurait-il pas pu le remplacer ? D’ailleurs, en 1790, le 14 juillet dont on célèbre l’anniversaire depuis 1880, avait pris l’allure d’une « fête de la Fédération », civile et non militaire. Ce n’est que depuis 1919 qu’on défile sur les Champs-Elysées. avec quelques interruptions pour des variantes d’itinéraire. Auparavant, on faisait cela à l’écart, sur l’hippodrome de Longchamp. Il s'agissait de montrer le redressement militaire de la France après la défaite de 1870 et d'entretenir dans l'opinion publique l'esprit de mobilisation pour recouvrer, grâce à l'armée, les provinces perdues d’Alsace-Moselle...

Les défilés militaires sont d’ailleurs bien illusoires. Celui du 14 juillet 1939 fut magnifique, même dans la simple ville de Metz où j’y assistai, à l’âge de près de 5 ans. Devant un tel déploiement de force mon père se disait persuadé que « les Boches n’avaient qu’à bien se tenir ! » On vit ce qu’il en advint quelques mois plus tard !

Si l’on voulait vraiment entretenir ou créer un lien entre l’Armée et la Nation, il nous faudrait une armée à l’image de l’armée suisse, une armée de citoyens-soldats prêts à tout moment à se mobiliser pour la défense du sol national. Nous n’avons, hélas, qu’une armée de type néo-colonial qui se justifie par un discutable « devoir d’ingérence » à géométrie variable (Afghanistan et Libye, mais pas Syrie ou Birmanie). Les amateurs de défilés militaires pourraient toujours se faire plaisir à un autre date, le 8 mai ou le 11 novembre, par exemple. Mais il est vrai que le temps est en général moins clément ces jours-là ! On continuera donc la tradition militariste et cocardière et l’on fera défiler ad vitam æternam l’armée et la police le 14 juillet pour la plus grande joie des badauds. Et tant pis pour Eva Joly. Elle ne sera d’ailleurs jamais présidente de la République. Alors pourquoi tout ce cinéma autour de ses propos à peine antimilitaristes ?

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